Le Printemps des poètes est l’occasion de découvrir des auteurs et des textes contemporains, de creuser un thème, d’aller chercher du côté de la poésie un renouvellement de son écriture. Les consignes n’auront pas besoin d’être très originales tant les textes sont riches et divers! Il sera peut-être difficile de convaincre les plus réfractaires qu’il peuvent se risquer à l’écriture poétique. Pour les convaincre, rappeler que la poésie est avant tout une écriture libre, la plus libre en ce sens qu’elle initie ses propres codes, qu’elle n’obéit qu’à son « vouloir exprimer ».
Alors, autant commencer par prendre des libertés avec elle! S’emparer des textes pour les triturer, les remodeler, les piller hardiment!La chimère ou le caviardage fourniront une entrée en matière classique, mais subversivement efficace.
Première partie
Pour le caviardage, je propose de choisir deux textes de forme et d’écriture très différentes, l’un plutôt touffu, prolixe, débordant de mots et d’images, l’autre plutôt dense, ramassé, concis. Le caviardage consistera à passer d’une forme à l’autre, vers l’épure.
Du point de vue créatif, caviarder, ce n’est pas rayer à la façon des censeurs pour faire disparaître du texte, mais au contraire, révéler un sous-texte, peut-être insoupçonné de l’auteur, un univers caché dans l’apparent de l’écrit.
Pour cet atelier, j’ai choisi les poèmes de Sophie Braganti et de Fabienne Courtade.
Proposition d’écriture : Caviarder ! Supprimer hardiment des passages du texte de Sophie Braganti pour obtenir une version épurée, une forme minimale de son poème. Se rapprocher de la structure et de la forme du poème de Fabienne Courtade.
A lire, l’étonnante version caviardée du poème de Sophie Braganti, qui nous entraîne vers de tout autres paysages!
le bleu, poème presque inédit Exemple de texte réalisé suivant ces consignes
Deuxième partie
Le thème du Printemps des poètes 2011 nous guide vers d’infinis paysages, que l’on peut entendre comme des espaces sans bornes, sans achèvement, sans limite, ou du point de vue de l’inspiration comme inépuisables, insondables, jamais totalement explorés. Si la mer ou la montagne sont réelles, leur paysage est représentation.Aussi le paysage est moins ce que l’on voit que ce que l’on juge digne du regard, susceptible de contemplation. L’association du terme d‘infinis à celui de paysages apparaît alors singulière, puisque le paysage nous a été donné comme ce bout d’univers qui peut être compris dans l’espace restreint d’une carte postale, ou bien découpé par le rond bien net d’une lunette d’observatoire… Le paysage semble dès lors indissociable du regard humain porté sur la nature, et siège naturellement en poésie, langue particulière, idiolecte qui cherche à faire résonner en l’autre sa singularité sensible.
Pour ceux qui, comme moi, apprécient modérément les longues descriptions de couchers de soleil flamboyants ou de verte prairie, ces infinis paysages sont délibérément intérieurs, ils s’étendent dans l’imaginaire. L’atelier d’écriture cherchera ici à dévoiler les paysages mentaux et les utopies, lieux rêvés que l’on porte en soi.
Support: Claude Albarède, extrait inédit tiré du livre à paraître Un Chaos praticable L’extrait choisi sera interprété comme un parcours dans l’écriture, suivant cette idée que tout poème parle aussi de ce qu’est le poème. On parlera d’autotélisme du poème (qui renvoie à sa propre création). L’itinéraire devient la métaphore filée des élans, des détours, des sauts et gambades (expression empruntée à Montaigne) de l’écriture en marche.
Proposition d’écriture : Faire un poème en prose ou en vers libres détaillant chaque étape d’un parcours, d’un itinéraire mental : itinéraire amoureux, parcours de vie, cheminement dans l’écriture… Imaginer toute une géographie intérieure, avec ses reliefs, le jeu des éléments, un climat, une végétation. Ecrire à l’infinitif, à l’impératif ou au présent suivant la nature du texte : « itinéraire conseillé », récit, description objective…
Enlisement, texte réalisé en atelier
Support: René Char, Qu’il vive!, tiré du recueil Les Matinaux / Henri Michaux, Je vous écris d’un pays lointain, tiré du recueil Plume
Proposition d’écriture : Ecrire la vision d’un pays rêvé, avec son « ordre du monde », ses propres lois naturelles, les principes qui le gouvernent. Procéder par aphorismes, développés, commentés, ou laissés en suspend. Cet ailleurs est utopie, métaphore de ce monde ou idéal personnel.
3 Comments
brisson
10 mai 2014 at 18 h 21 minl’oeil faible
pour faire connaissance
les fantômes
dans le bleu
il y a des mots
comme ceux
pour qui
cheveu d’azur
il ne reste rien
sont loin derrière
les paroles qui ne sont pas dites
sous tes yeux je ne les ai pas bien regardés?
qui tient le stylo (quand on commence par la fin)
brisson
10 mai 2014 at 19 h 21 minsur la neige les étoiles
je guette le reanard
tu voudrais m’inventer
où je m’engouffre
pas la moindre cicatrice
sous l’acide lumière
et
d’adjectifs impossibles
quelques virgules ondulent
sous les langues mille fois tournées
brisson
11 mai 2014 at 17 h 05 mintoutes mêlées d’air bulles globules virgules
je souffle à ton âme et dors à ton souffle
entre les doigts fuirent les chevaux d’amour
visage de la blancheur l’oubli de nos secrets
voix muettes mots d’amour meurtris
chuchotent encore à peine
j’aperçois de légers mouvements à la cime des cyprès
au même moment je me retourne
aujourd’hui je l’entends d’ailleurs
je reviens sur mes pas sans cesse à reculons dorénavant
la lumière de la fenêtre maintenant atteinte de tremblement
à la verticale un monstre caché
gris noir dans nos mémoires endormies
avec des variations pour croire à ce réveil
cette fois une porte a claqué s’écroulant comme l’enfer
je suis devant cette porte et je ne sais où aller