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Récit

Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture  » Une histoire d’amour… et de mauvais éclairage »

Comme l’expose brillamment Gianni Rodari dans Grammaire de l’imagination (Ed. Rue du Monde), stimuler l’imaginaire peut être aussi simple qu’une proposition binaire. La relation entre deux éléments, à condition qu’elle ne soit pas évidente, produit presque naturellement des histoires. Associons « un chien » et « bleu », et un conte s’amorce…

La formule dont est tiré le titre de l’article est en réalité un peu plus complexe, mais « une histoire d’amour …et de mauvais éclairage » intrigue immédiatement. Et peut inspirer.

Erik Kessels, commissaire d’une exposition très ludique des Rencontres de la photographie 2016, s’intéresse à l’erreur et au ratage comme des sources de créativité. Il a ainsi collectionné des albums familiaux et autres travaux d’amateurs, avec leurs thématiques classiques ou plus personnelles, leurs photos mal cadrées et éclairées, abimées, découpées parfois au gré des séparations… Toutes ces merveilles que le numérique ne permettra plus de conserver!

Quelques pièces de choix de cette collection sont présentées dans les ouvrages Album beauty et Parfaites imperfections, Comment transformer ses erreurs en idées géniales pour se planter en beauté.

Dans ce dernier ouvrage, une histoire drôle et touchante dont voici un extrait :

chien-invisible

« Année après année, un photographe amateur essaie de photographier son animal de compagnie. Et année après année, il échoue. Ses photos sont marquées d’un mystérieux cercle noir, parfois d’un triangle ou d’un trou obscur, toujours flou. Mais la ténacité de ce photographe témoigne de la relation qui peut exister entre une personne et son animal de compagnie.

C’est une histoire mémorable d’amour, d’obsession de persévérance et de mauvais éclairage.

Une erreur, répétée à l’envi, a rendu le chien quasi invisible. Et puis, de manière assez inattendue et par le biais d’une autre erreur, il nous est enfin donné de comprendre le fin mot de l’histoire.

Lors d’une ultime tentative dictée par une profonde frustration, le propriétaire du chien surexpose le cliché.

Cette dernière image, en montrant très clairement l’animal, révèle une créature légèrement blasée qui ressemble beaucoup à tous les autres chiens noirs.

Aujourd’hui la clarté est de mise. Et pourtant, c’est l’erreur, cette tache sombre, ce chien invisible qui stimule l’imagination. »

Erik Kessels, Parfaites imperfections, Comment transformer ses erreurs en idées géniales pour se planter en beauté.

Abrégeons la phrase de Kessels pour former un zeugme « une histoire d’amour…et de mauvais éclairage ». Le zeugme est une figure de style qui associe deux mots ou groupes de mots disparates, habituellement incompatibles, le plus souvent un élément concret et un élément abstrait (« Vêtu de probité candide et de lin blanc ». Victor Hugo).

Proposition d’écriture: Composer une formule à partir d’une association de mots formant un zeugme.

C’est une histoire… (adjectif) / de…(mot abstrait) /et de ….(mot concret).

La formule peut être complétée pour se rapprocher du rythme de la phrase de Kessels. Faire de cette formule une histoire, année après année

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Atelier d’écriture « Petits détails » 1

Le petit détail révélateur est au centre de nombreux récits. Dans le genre policier, son rôle est primordial puisqu’il lui revient de faire basculer l’intrigue, point de départ de la mise à jour complète de la vérité.
Dans la nouvelle, il peut constituer cet épiphénomène qui déclenche la prise de conscience, la « crise » momentanée ou radicale.
Le petit détail révélateur représente surtout l’essence-même du travail d’observation, de la posture de l’écrivain par laquelle il s’attache à communiquer une perception particulière, plus précise ou inédite.

Première partie :

Pour ouvrir cet atelier d’écriture, on peut proposer de façon classique une liste à la manière de Sei Shōnagon (Notes de chevet) des fameux « détails qui tuent », ou de « petits détails qui gâchent tout ».
La proposition est susceptible d’être précisée à l’extrême ( par exemple : liste des « détails qui montrent que l’on est invité par obligation, bien que l’on s’efforce de nous démontrer le contraire… »).  Dans ce cas, les participants échangent entre eux des propositions de listes (rédigées sur de petits papiers), dont devront s’acquitter les destinataires.

Deuxième partie:

L’extrait suivant est tiré de l’excellent recueil de nouvelles de Quim Monzó, Mille Crétins (Ed. Jacqueline Chambon, 2009), qui, au-delà d’une lecture réjouissante, recèle bon nombre de petites pépites pour les ateliers d’écriture.

« C’est une table rectangulaire, sur un côté de la salle à manger. Une des femmes choisit une des chaises contre le mur et l’autre la place qui est en face d’elle. Les deux maris se retrouvent donc aussi face à face, mais du côté de l’allée.

Et alors qu’ils sont encore debout, en train d’enlever leurs vestes, sans faire exprès, une femme donne un coup de manche à une fourchette, la sienne, qui tombe par terre sans faire de bruit, parce bien qu’il y ait peu de monde dans la salle à manger la musique d’ambiance couvre tout, et qu’en plus on entend des voix qui viennent de la cuisine. La chute de la fourchette est passée inaperçue des trois autres personnes. (…) Si bien que la femme, d’un geste rapide,  se penche et ramasse la fourchette. Mais au lieu de la poser sur un coin de la table pour que le serveur la remplace par une fourchette propre, elle prend la fourchette de son mari, la met à la place de la sienne, et pose celle qu’elle avait ramassée par terre, à gauche de l’assiette de son mari, là où se trouvait celle qu’elle s’est appropriée.
(…) Pourquoi n’a-t-elle pas demandé au serveur de changer sa fourchette ? (…) Est-il moins regardant ? (…) Est-ce un échantillon de bien d’autres petites vengeances auxquelles elle se livre ? Est-ce qu’elle crache dans la tasse de café au lait de son mari, le matin, quand il regarde ailleurs ? »

Extrait de La Fourchette, in Mille crétins de Quim Monzó

Proposition d’écriture:

Choisir parmi les situations suivantes (ou en inventer une) un décor qui semble propice à la révélation, par un petit événement, un geste, une parole ou un regard, d’une vérité cachée. Le point de vue est externe, l’observateur-narrateur n’a pas accès à cette vérité cachée à propos de laquelle il produit des hypothèses.

Par la fenêtre d’une salle de classe
Un dimanche en famille
Sur la plage
A l’accueil d’une banque, ce que l’on aperçoit derrière la vitre…

Atelier Petits détails texte réalisé

Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture « Road Movie »

Certains ouvrages sont idéalement conçus pour fournir des supports et consignes d’ateliers. Ils offrent des ouvertures et des propositions infinies à travers tout ce que le récit ne dévoile pas,  à celui qui veut investir ces espaces en creux.

Rouler, de Christian Oster raconte un voyage sans but précis, une sorte de « dérive » à la façon des situationnistes, et ne raconte que cela. On sait peu de choses du narrateur, de ce qui, de sa vie, se situe autour et à l’origine de ce départ.

Le récit offre des situations à exploiter: points de départ pour anecdote, cadres pour des rencontres, ou points d’arrivée à expliciter à rebours.  Le voyage permet en outre de scander un atelier en étapes, de faire semblant de « sauter » d’un chapitre à l’autre comme en feuilletant, tandis qu’un roman possible s’écrit en filigrane dans l’imaginaire des participants.

Le départ

« J’ai pris le volant un jour d’été, à treize heures trente. J’avais une bonne voiture et assez d’essence pour atteindre la rase campagne. C’est après que les questions se sont posées. Après le plein, j’entends. »

Proposition d’écriture : Continuer le récit. Écrire en 15 lignes maximum le départ, les premiers paysages traversés, le contenu du coffre et les petits détails pratiques du voyage. Le narrateur est centré sur la situation présente. Résister à la tentation d’expliquer.

Les « bagages » (contraintes) : durant tout l’atelier, les « bagages » suivants sont à véhiculer. L’objectif est d’en caser le plus possible dans le coffre !

Teinte orange décolorée ; Sachet de dragées ; Un pot-au-feu d’idées ; Une heure de crochet ;L’homme avec le plus de poils dans le nez qu’on puisse imaginer ; Soupe de navets ; La fin des soldes ; Se tailler la frange à coups de ciseaux ; Joggings phosphorescents ; Papier à lettre rose ; Le siège du Parti

Microsoft Word – atelier Road Movie Départ

Première étape : l’arrêt

« C’était un petit établissement d’angle, avec deux tables sur le trottoir. »

Proposition d’écriture : Sans forcément relier le texte au texte précédent, raconter une première étape, marquée par une rencontre. Rester dans un « ordinaire  décalé », ne pas rechercher la rencontre déterminante, la coïncidence romanesque, mais écrire une rencontre à la fois banale et  spontanée.

Atelier Road movie Etape 1

Deuxième étape : le village

« Là aussi c’était beau. Dans le genre typique. Je me suis garé dans le centre près de l’église. Tout autour, même sans lever les yeux, c’étaient des hauteurs avec des parcelles en pente, encadrées par des haies, et parfois de grands espaces drus et ras, que coupaient des boisements. La rue où je m’avançais était pavée, avec des façades et des toits anciens. Je croisais des touristes surtout, des gens qui prenaient des photos ou progressaient d’un bon pas dans leurs chaussures de marche, en jetant de côté des regards enregistreurs. »

Proposition d’écriture : Sans forcément relier le texte au texte précédent, raconter l’étape. Il ne se « passe » pas nécessairement grand-chose. L’observateur narrateur est attentif aux ambiances, aux impressions.

Microsoft Word – Road Movie Etape 2

En fonction de la durée de l’atelier, il est possible d’ajouter des étapes. Toutefois, on se gardera de conclure ou de rechercher une chute, pour rester dans l’ouverture du roman.

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Atelier d’écriture « Zodiaques »

Cet atelier d’écriture convient bien aux débuts d’année où les prévisions astrologiques et de taux de croissance se mêlent à l’avalanche de vœux  et l’étalage des bonnes résolutions. Janvier, mois des plans sur la comète.

Première partie:

Pour cet atelier d’écriture, le nombre de douze participants est idéal afin de créer un ou plusieurs « zodiaques » complets.Il s’agit d’inventer des signes à partir d’univers aussi variés que la pâtisserie, le bricolage, la fonction publique… Il est possible d’élaborer un zodiaque à partir des propositions des participants, mais le plus simple est de choisir un univers, de décliner des signes qui vous paraîtront les plus susceptibles de fournir des caractéristiques bien marquées et de demander aux participants de tirer au hasard un signe (ou plusieurs en fonction du nombre de participants) dans un chapeau. On fournira également pour exemple le descriptif d’un signe (caractère) et quelques lignes de prévisions pour l’année à venir.

Exemples de « zodiaques »:

Pâtisserie: religieuse, baba au rhum, tarte aux pommes, mille-feuilles, macaron, flan, galette…

Outils : pioche, truelle, clé à mollette, scie sauteuse, perceuse, rabot…

Proposition d’écriture: En s’inspirant des idées et impressions associées au mot et à la chose, en jouant des expressions populaires, faire le descriptif complet du signe: caractère, habitudes, comportement, préférences… Donner ensuite les prévisions de l’année à venir par thème (travail, amour, santé) ou trimestre pour le signe.

Ainsi si le rabot se montre souvent irritant à trop vouloir arrondir les angles, la tarte aux pommes est un signe équilibré, qui sous ses airs de simplicité, sait faire preuve à l’occasion de fantaisie!

Deuxième partie:

Cet atelier peut se poursuivre par une écriture « sous le signe de… »: du hasard, de la fortune…

Choisir un texte bref, présentant une situation simple, qui permette d’imaginer une suite.  Choisir deux à trois contraintes, dont une sera un horoscope du jour.

Je propose les contraintes suivantes :

– un texte support tiré du livre de Christine Angot, Les Petits (Ed. Flammarion, 2011)

– des déterminants avec des mots à insérer ( le hasard) , une citation (la sagesse) dont il faut s’inspirer, et l’horoscope du jour (la volonté du ciel astral) dont les prédictions peuvent s’avérer justes ou erronées!

L’extrait:

« Il était sûr d’aller au dépôt. C’est comme la dernière fois la surprise en moins. Il ne sait pas où dormir à cause de la saleté, il sait qu’il va attendre, il y a les menottes, les couloirs, les escortes avec deux gendarmes. Les tags gravés avec des bouts de fer ou une agrafe, dans le mur ou la ferraille du lit, par les types qui sont passés dans la cellule pour ceux qui viendront après eux, avec des bouts de fer ou du feu. A l’intérieur il n’y a pas de fourchette, pas de stylo, rien qui marque ou qui accroche, mais il y en a qui entrent avec des briquets, des bouts de ferraille, leur feuille à rouler avec un bout de shit, le premier fait passer la cigarette, un autre fait passer le bout de shit, un troisième s’occupe de la feuille à rouler. Ils sont opérationnels. Ils savent. Ils examinent son cas tout de suite.

– Qu’est-ce que t’as fait?« 

Si les participants reçoivent des prédictions positives, le contraste avec la situation sera source d’ironie.

Proposition d’écriture: Écrire la suite du texte,  faire évoluer la situation en fonction de l’horoscope (juste ou non), de la sagesse apportée par la citation, et des hasards qu’inspireront les mots imposés.

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Atelier d’écriture interminable, Capital culturel – 4

Atelier d’écriture interminable, Capital culturel, texte n° 4

L’atelier d’écriture se caractérise par un temps volontairement limité. Mais la proposition d’écriture peut s’émanciper de son cadre d’atelier pour devenir chantier d’écriture. Et, pourquoi pas, consigne obsessionnelle, espace réitératif jusqu’à complet dévoilement.

Je propose une consigne, et une tentative de traitement.

Proposition d’écriture : écrire sous forme de listes commentées le roman d’un échec.

CAPITAL CULTUREL

Texte n°4, perspective d’un semblant d’action, mais non finalement…

L’enfant est maintenant retranché dans un coin du tapis, entièrement livré à une épopée discrète qu’il récite pour s’en enivrer. L’aventure inclut apparemment la torture d’un insecte que je ne distingue pas, mais je connais la concentration particulière qui accompagne ces expériences méthodiques et passionnées. Je me souviens en particulier de l’opération de  décapitation d’une mouche, phase finale d’une batterie de tests raffinés que le coffret d’accessoires d’un microscope avaient inspirés (teinture des ailes, application de colle, section de pattes, etc.). Il murmure gentiment à cette petite bête le détail de son supplice tout en arrachant ses ailes ou autre chose avec un joyeux sentiment de toute-puissance.

La mère n’a pas vu l’insecte, et nous épargne dans l’ordre :

1)      cri

2)      rappel du règlement

3)      lavage des mains de l’enfant

4)      reproche au père

5)      exposé comparatif des plans de charge respectifs des membres du couple parental

6)      proclamation exaspérée d’une impuissance à se dédoubler (référence répétée à une divinité hindoue à l’appui)

Soit un épisode désagréable et inintéressant de vingt minutes au minimum.

Lire le texte 3

atelier interminable Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture interminable, Capital culturel – 3

L’atelier d’écriture se caractérise par un temps volontairement limité. Mais la proposition d’écriture peut s’émanciper de son cadre d’atelier pour devenir chantier d’écriture. Et, pourquoi pas, consigne obsessionnelle, espace réitératif jusqu’à complet dévoilement.

Je propose une consigne, et une tentative de traitement.

Proposition d’écriture : écrire sous forme de listes commentées le roman d’un échec.

CAPITAL CULTUREL

Texte n°3, on avance à peine…

Ceux-là sont allés à l’université, suffisamment pour produire sur tout énormément de discours argumenté, pas assez pour échapper à la tiède pitance des revues. Mais je veux bien, sur ce divan, venir goûter la dernière tambouille accommodée par l’air du temps.

1) Parce que je rattrape chez eux mon retard en matière d’idées contemporaines moyennes des classes éduquées.

2) Parce que le regard porté sur l’humanité n’y déroge pas à la bienveillance (additif du corpus qu’ils ont absorbé inconsciemment, avec leur ration de théories simplifiées pour l’industrie universitaire).

3) Parce que la contrepartie affective me semble très honnête. On s’interrompt à peine dans ses activités pour m’ouvrir la porte, on me sert un café réchauffé dans un vieux mug fêlé : j’appartiens au cercle étroit des amis confirmés.

4) Parce qu’on y lisse, par manque d’attention, mais peut m’importe, les variations de mes états : on m’apaise sans le savoir.

J’étends les jambes et j’écoute tranquillement les vertus de la Paternité, que l’homme étale avec un enthousiasme réel où l’on retrouve aussi bien la joie de la trouvaille que la conviction inusée du converti. Je l’écouterais me parler de son intérêt pour le culte druidique et le tatouage intégral avec la même considération, et absence de considération. Va pour la Paternité et les sous-thèmes : Paternité et sens de la responsabilité, Paternité et découverte de la clairvoyance enfantine, Paternité et dialogue… Ca commence grandes valeurs, et ça retombe vite, en Paternité et quête interminable de garde d’enfants, Paternité et prix des chaussures en taille 28…

En effet, ils ont chez eux cet enfant qui leur appartient et dont ils m’entretiennent avec régularité au moyen d’indicateurs chiffrés que je m’efforce de retenir, peut-être avec une vague crainte d’être interrogée un jour. Je l’ai connu embryon alors que sa fragile présence tenait à quelques semaines d’aménorrhée, puis fœtus, à travers kilos accumulés, taille de bonnets de soutien-gorge et fréquence de coups de pieds nocturnes, enfin nourrisson, converti en durées de sommeil et diverses courbes comparées.

Malgré l’abondance des données fournies, en l’absence de lien acquis par parenté ou heures de babysitting, il n’entre pas dans la catégorie des « mineurs familiers à lancer en l’air avec des cris ou à gratifier de chatouilles ». A mon arrivée tout à l’heure, on lui a commandé un bonjour dont il s’est acquitté tout de suite, je me suis penchée vers le petit visage pour recevoir, sous l’œil, un baiser rapide et mal fichu : formalités réglées.

Lien vers le texte 2

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Atelier d’écriture interminable, Capital culturel – 2

L’atelier d’écriture se caractérise par un temps volontairement limité. Mais la proposition d’écriture peut s’émanciper de son cadre d’atelier pour devenir chantier d’écriture. Et, pourquoi pas, consigne obsessionnelle, espace réitératif jusqu’à complet dévoilement.

Je propose une consigne, et une tentative de traitement.

Proposition d’écriture : écrire sous forme de listes commentées le roman d’un échec.

CAPITAL CULTUREL

Texte n°2, toujours le début…

Mauvais jour. Pour m’oublier, je me transporte chez des gens de grand bruit, capables d’étouffer les individualités chétives sous la somme brutale de leurs existences mises en mots.

Couple d’amis : êtres indissociables à apprécier de façon dissociée, rarement amis entre eux.

Accueil agréable en cette fin d’après-midi, la configuration est de bonne augure quoique attendue, sinon caricaturale : la partie féminine du couple d’amis à la cuisine / la partie masculine du couple d’amis au salon. J’en déduis que l’hystérique étant occupée, et l’atone disponible, la situation présente une faible potentiel de tension.

J’investis avec gratitude un divan pour une conversation sans affects. J’accède tranquillement aux échanges protocolaires d’ouverture, évaluation synthétique en une phrase maximum de l’état physique et psychique de quelques personnes de  nos entourages respectifs et communs.

Maîtrisant bien les usages de ce micro-groupe, j’ouvre ensuite à l’hôte masculin la possibilité d’exposer  le credo ostentatoire de la période en cours,  lequel va mobiliser toutes ses neurones et son énergie pour une durée qui varie généralement d’une semaine à quelques mois. Je le fais par pure courtoisie puisque je m’y intéresse faiblement, mais cela me coûte peu de l’y engager: il suffit de commencer n’importe quelle phrase par une expression du type « Tu as vu… » ou « Tu as remarqué… » pour qu’il déroule son concept-clé d’un air exalté.

Il a ainsi investi successivement toute sa capacité de certitude dans:

–          le régime instinctif

–          les constellations familiales

–          les explications anthropologiques des différences entre les sexes (l’homme à la chasse, la femme à la caverne, etc…)

–          la neuropsychologie

–          le feng shui

–          l’extraordinaire potentiel du marché chinois

–          la micro-nutrition

–          la fin de l’Histoire

Pour lire le texte précédent: Capital culturel, texte 1

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Atelier d’écriture : l’enfance des héros

Les héros de roman les plus célèbres ont acquis une puissance évocatrice quasi mythique et appartiennent à ce fond commun de références qui permet les raccourcis de conversation et les comparaisons faciles. Rastignac ou Emma Bovary ont dépassé le statut de personnages pour accéder à la dimension de l’allégorie: ils « incarnent »(l’ambition, l’adultère, l’illusion amoureuse…).

Ils nous appartiennent, et nous pouvons jouer avec eux d’autant plus que nous les connaissons bien.

Cet extrait du délectable blog d’Eric Chevillard nous invite à combler les lacunes biographiques des héros de roman.

« Avant d’être la sœur de cœur de la femme de trente ans qui s’ennuie dans son couple et dans sa province, la petite Emma Bovary eût été l’amie de la fillette, partageant ses jeux et ses premières expériences dans des albums dessinés – Emma va à l’école ; Une semaine chez maman, une semaine chez papa –, puis celle de l’adolescente – Emma ne mange plus ; T’es trop beau, Lucas, etc. Nous pouvons en effet regretter que les plus fameux personnages de la littérature ne grandissent pas avec leurs lecteurs depuis le plus jeune âge. Ni ne vieillissent avec eux non plus, d’ailleurs – Emma aux Jardins d’Arcadie ; Emma ne se souvient plus de rien –, héros familiers, compagnons de toute une vie. »

Source: L’Autofictif

Proposition d’écriture : Écrire un récit à la première personne, transposant un des « moments » proposés ci-dessous, ou selon ses propres choix en puisant dans ses souvenirs de lecture.  Prendre soin de préserver tout au long du récit le caractère énigmatique de celui-ci, la chute dévoilant idéalement l’identité du personnage choisi.

Nourrir ce récit en s’appuyant sur les caractéristiques des personnages et leur univers, le genre et la tonalité du texte…

Exemples :

Le Petit Nicolas employé de bureau : Alceste a (encore) été renvoyé !

Frédéric, enfant, tombe amoureux d’une camarade de classe.

A quelques heures de la  fin du monde,  par Meursault.

Le Petit Nicolas, René Goscinny, Ed. Gallimard (coll. Folio)

« Et un peu plus tard, nous étions en classe quand le directeur est entré avec Alceste, qui faisait un gros sourire.

– Debout! a dit la maîtresse.

– Assis! a dit le directeur.

Et puis il nous a expliqué qu’il avait décidé d’accorder une nouvelle chance à Alceste. Il a dit qu’il le faisait en pensant aux parents de notre camarade, qui étaient tout tristes devant l’idée que leur enfant risquait de devenir un ignorant et de finir au bagne.

– Votre camarade a fait des excuses à M. Dubon, qui a eu la bonté de les accepter, a dit le directeur; j’espère que votre camarade sera reconnaissant envers cette indulgence et que, la leçon ayant porté et ayant servi d’avertissement, il saura racheter dans l’avenir, par sa conduite, la lourde faute qu’il a commise aujourd’hui. N’est-ce pas?

– Ben… oui, a répondu Alceste.

Le directeur l’a regardé, il a ouvert la bouche, il a fait un soupir et il est parti.

Nous, on était drôlement contents; on s’est tous mis à parler à la fois, mais la maîtresse a tapé sur sa table avec une règle et elle a dit:

– Assis, tout le monde. Alceste regagnez votre place et soyez sage. Clotaire, passez au tableau. »

L’Education sentimentale, Gustave Flaubert, Ed. Larousse (coll. folio classique)

« Ce fut comme une apparition :

Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites.
Une négresse, coiffée d’un foulard, se présenta, en tenant par la main une petite fille, déjà grande. L’enfant, dont les yeux roulaient des larmes, venait de s’éveiller. Elle la prit sur ses genoux.  » Mademoiselle n’était pas sage, quoiqu’elle eût sept ans bientôt ; sa mère ne l’aimerait plus ; on lui pardonnait trop ses caprices.  » Et Frédéric se réjouissait d’entendre ces choses, comme s’il eût fait une découverte, une acquisition. »

L’Etranger, Albert Camus, Ed. Gallimard (coll. Folio)

« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. »

Microsoft Word – Les héros grandissent

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Atelier d’écriture « Patrimoine culturel »

A l’approche des Journées du patrimoine, cet atelier thématique se propose de créer son petit Panthéon personnel, d’imaginer, avec plus ou moins de férocité la propagande touristique de demain, ou encore de revendiquer une vision quelque peu « divergente » de l’histoire de l’art.

L’occasion de s’amuser un peu avec nos classiques.

Première partie:

Support : Les Phares, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857)

Proposition d’écriture: Sous la forme  d’une série plus ou moins longue de petits paragraphes de trois à quatre lignes, lister ses admirations (ou ses mépris) littéraires; célébrer (ou dénigrer) les auteurs en reprenant la structure du poème de Baudelaire. Commencer chaque paragraphe par un nom, puis y accoler plusieurs appositions en tentant de développer une métaphore pour chacun. Cette image doit représenter une vision personnelle de l’univers de cet auteur ( différente des qualités et caractéristiques qui lui sont d’ordinaire attribuées, ou non). Afin de conserver une unité au poème , il est préférable de choisir les métaphores dans une même catégorie (lieu, monde végétal ou animal…).

Deuxième partie:

Support: un prospectus des « Journées européennes du Patrimoine » édité par la ville de son choix.

Proposition d’écriture: Imaginer le prospectus des Journées du Patrimoine de 2050, en s’inspirant des différentes rubriques du modèle proposé. Imaginer la toponymie, l’héritage culturel et architectural considéré comme digne d’intérêt, les choix et l’état de conservation des bâtiments, les œuvres exposées et les animations proposées…

Cette proposition d’écriture n’inspire pas immédiatement tous les participants. Le choix d’un modèle à la fois simple et suffisamment détaillé est important pour constituer une base. En fonction du monde imaginé en 2050, on peut proposer une simple transposition de chaque partie du prospectus, et fournir un exemple.

Troisième partie

Support: Des Papous dans la Tête: Les DécraquésL’Anthologie, coll., Ed. Gallimard (2004), p 215- 217 ; reproductions de plusieurs chefs-d’œuvre extrêmement célèbres

Petit emprunt aux »décraqués » de cet exercice réjouissant, le « LSD » : « léger strabisme divergent, ou un regard tordu sur la peinture ».

« Réservant au peintre, la tâche sévère et contrôlable de commencer les tableaux, attribuons au spectateur le rôle avantageux, commode et gentiment comique de les achever par sa méditation ou son rêve. » Outre qu’il est toujours agréable de citer Félix Fénéon, cette phrase correspond bien à la règle de notre jeu. »      Source: Des Papous dans la Tête: Les DécraquésL’Anthologie, p 215

La « description objective » faite par Patrice Caumon de La Laitière de Vermeer, est en effet parfois objective (« une huile sur toile de 45 par 41 centimètres ») mais elle s’autorise quelques facéties ( » La jeune femme verse son lait tiède sur un muesli, elle a l’air cruche et en tient une… »), et va jusqu’à proposer une vision pour le moins iconoclaste du sujet ( « La laitière cache avec son corps volumineux une partie du sujet principal du tableau, sujet qui avait donné à l’œuvre son premier titre « Le Mur du fond » »)!

L' »interprétation » de Serge Joncour  nous apprend qu’il s’agit du « premier vrai nu commis par le peintre, et il faut bien le dire, le seul »! Hélas, la longueur des temps de pose et les rigueurs de l’hiver obligeront le peintre à rhabiller son modèle et à renoncer à lui faire porter la jarre au-dessus de la tête. L’allégorie de la source devient ainsi La Laitière!

Proposition d’écriture: Choisir une œuvre dont on ne connaisse pas dans le détail (si possible) la genèse, ou du moins écarter cette influence pour laisser vagabonder l’imaginaire. Regarder cette œuvre avec un œil neuf, et à la façon de Serge Joncour ou Patrice Caumon, avec un « regard tordu ». Réinventer l’histoire, le sujet, le contexte du tableau, et en faire l’exposé à la première personne, avec l’autorité et la précision de l’expert.

En fonction de la longueur de l’atelier d’écriture et de la patience des participants, on peut proposer de traiter la partie « interprétation » seulement ou la « description objective » et l »interprétation ».

La Tour de Babel

Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture « La nuit d’avant, la nuit d’après »

Ce thème très riche m’a été inspiré par le beau livre d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne. Il s’articule autour de ces temps forts qui font basculer l’existence. Des vies s’arrêtent et d’autres continuent, marquées par des drames, des changements brutaux qui en modifient radicalement le cours. Le livre est bien plus riche, mais D’autres vies que la mienne m’a laissé le souvenir d’un récit reliant deux nuits, l’une, angoissée, terrifiante, qui s’ouvre sur une victoire (mentale) sur la maladie; l’autre, bouleversante, exténuante au point de paraître interminable malgré une écriture ramassée, qui est la dernière nuit.

Il est plus fréquent d’écrire « le jour où »… Cependant, la nuit dans son silence et sa solitude, nourrit les anticipations angoissées, laisse défiler les images traumatiques, réécrit parfois les frustrations de la journée. Ce temps du retour à soi, qui « précède » ou qui « succède à », amplifie l’émotionnel, modifie nos perceptions. Il s’y cache de petites terreurs, des vérités inavouables, de grandes prises de conscience qui peut-être, n’auront plus le même pouvoir au lever du jour. La nuit est, parfois, une grande traversée entre un jour, et son lendemain décisif, lorsque plus rien ne sera comme avant…

Première partie:

Dans cette première partie, il s’agit de poser le décor avant d’y installer l’histoire, de convoquer les souvenirs et les images qui se rattachent à la nuit. Inventorier, à la façon de Perec, les environnements divers de nos nuits dans un temps d’écriture court, de cinq à dix minutes.

Proposition d’écriture:

1)Ecrire la liste des lieux où l’on a dormi, rapidement, sans réfléchir; ne donner qu’une indication brève. Ne pas classer, chercher à dérouler un inventaire le plus exhaustif possible.

2) Choisir un lieu dans la liste et en faire une description brève, sans faire de phrases complètes, sous la forme d’une prise de notes. Ne donner aucun détail d’ordre biographique, décrire le lieu à la façon d’un observateur objectif.

Rassembler les descriptions : il est possible de les plier et de les mettre dans un chapeau, ou de les afficher afin que chacun puisse les lire. Chacun des participants de l’atelier d’écriture devra écrire à partir de la description produite par un autre.

Proposition d’écriture : A partir de la description, essayer de dégager une impression dominante, une ambiance, une tonalité du lieu qui deviendra tonalité du récit. Imaginer celui ou celle qui y couche ou va s’y installer, son état d’esprit, sa situation, donner une couleur à l’instant, faire le lien entre ce lieu,  le personnage, le moment. Faire habiter ce lieu.  Écrire un petit récit d’une dizaine de lignes.

Deuxième partie:La « nuit d’après »

Support : D’autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère (Ed. POL ), p 121 à 123 de  » Les visites, la présence des familles … à … nous n’en n’avons pas fini avec la première nuit. »

Extrait: « Les visites, la présence des familles ne sont autorisées que jusqu’à huit heures.  Etienne reste seul dans sa chambre d’hôpital. On lui a donné à dîner, un cachet pour l’aider à dormir, bientôt on éteint la lumière. Il fait nuit. C’est la première nuit, celle dont il a parlé le jour de notre rencontre, et qu’il essaie cette fois, parce c’est important, très important de me raconter en détail. »

Proposition d’écriture : Imaginer la « première nuit après … » rendue particulière par une annonce, une rencontre, un événement, et dominée par un sentiment (peur, abandon, amour…). Cette nuit est une nuit de solitude absolue. Une métaphore, une image, une association, doit traverser le récit comme un fil rouge, en synthétiser une impression d’ensemble. Écrire un récit à la première personne, au passé ou au présent.

Propositions: la nuit d’après mes dix-huit ans, la nuit d’après mon prix littéraire, ma légion d’honneur, la nuit d’après l’adoption de mon hamster, la nuit d’après mon changement de sexe, la nuit d’après mon coup d’état…

GIGI, texte

Troisième partie:La « nuit d’avant »

Support: Léonard Michaels, Le Club, Christian Bourgeois Editeur (2010) / Jean-Marie Laclavetine, Mouches noyées, in Le Rouge et le Blanc, Ed. Gallimard (1994)

Après la nuit, extraits de textes

Proposition d’écriture : Choisir l’un des extraits. Imaginer ce que fut cette nuit, mais n’en retenir qu’un élément, un épisode, un moment de cette totalité complexe dont chacun des deux textes est le « résultat ». Se focaliser sur un personnage, un détail. Du tableau d’ensemble, reconstituer une partie seulement dans un texte bref, de cinq à dix lignes. Renoncer absolument à tout expliquer ! Le récit sera conçu de façon à pouvoir s’insérer (reprendre le type de narration, les temps verbaux) dans le texte dont est tiré l’extrait.

Kramer et le vaisselier