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Récit

atelier interminable Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture interminable, Capital culturel – 1

L’atelier d’écriture se caractérise par un temps volontairement limité. Mais la proposition d’écriture peut s’émanciper de son cadre d’atelier pour devenir chantier d’écriture. Et, pourquoi pas, consigne obsessionnelle, espace réitératif jusqu’à complet dévoilement.

Je propose une consigne, et une tentative de traitement.

Proposition d’écriture : écrire sous forme de listes commentées le roman d’un échec.


CAPITAL CULTUREL

N°1 : Conventionnellement désigné comme « le début »

–          Cuisses lourdes

–          seins petits et très hauts

–          bras trop longs

–          jambes trop courtes

–          cheveux secs

–          fesses molles.

Tu n’es pas une vraie fille avec au moins quelques attributs gracieux à défaut d’être belle, mais un être taré avec des bas qui plissent, un col mal roulé, des cheveux imprévisibles, une couleur agressivement désaccordée avec l’air du temps. Tu scrutes l’infirmité de ta silhouette dans le rendu cru des miroirs. Il y aura, dans l’assemblage, un détail malheureux, une tache quelque part.

Ce que tu sais de toi représente l’ampleur de ce qui demeure à cacher.

Faire l’amour : suite d’esquives savantes.

Parler : bruit abondant,  dérèglement qui étourdit, où l’agité des mains fournit un paravent à l’épaisseur du visage.

Les définitions dont tu as construit le monde t’épuisent en gesticulations qui s’observent. Entre ces calculs, l’intervalle de vie où tu respires, ce sont ces passivités bienheureuses : lire, regarder les autres s’accommoder de leur espace, accumuler les émotions fades de la télévision, rester à température.

S.H.


Nos Ateliers d'écritures Récit

On se souvient

Consacrer un atelier au souvenir est à la fois profitable et périlleux. Le souvenir est une ressource inépuisable qui éloigne le souci de la panne d’inspiration, notamment pour les débutants. Cependant le souvenir est lié à l’affect et à l’intime, et les participants éprouveront peut-être une certaine difficulté à partager cet espace personnel.

Le choix des textes répond ici à la volonté de faire appel à la mémoire commune plutôt qu’au souvenir, à cette histoire générationnelle dans laquelle les histoires individuelles s’inscrivent. L’air du temps nous y convie, qui découpe le siècle dernier en décennies, en courants et en modes, dans la rapide succession de « temps » identifiés par un ou plusieurs marqueurs qui sont autant de fétiches : pantalon pattes d’éléphant, musique yéyé, porte-plume…

Cet atelier invite à la nostalgie et à la discussion ! Il fonctionnera dans des groupes hétérogènes, par la confrontation des « époques », chacun disant « la sienne », mais aussi dans des groupes plus homogènes par la recomposition collective d’un « bon vieux » temps. Il faudra par conséquent dans la séance d’atelier d’écriture, prévoir d’ajouter au temps de la lecture celui du bavardage.

Première partie :

Le très classique (en ateliers d’écriture) « Je me souviens » de Georges Perec ouvre l’atelier. Le choix des phrases étant laissé à l’appréciation de l’animateur, en ayant soin de présenter chacune des catégories de souvenirs dont le mélange constitue l’étrange fatras de la mémoire humaine (ou de ses différentes mémoires) et fait toute la saveur du texte de Perec : souvenirs intimes, précis ou plus vagues, slogans publicitaires, événements historiques d’importance variable, connaissances …

Quelques « je me souviens » :

Je me souviens de notre voiture qui prend feu dans les bois de Lancôme en 76.

Je me souviens du cadeau Bonux disputé avec ma soeur dès qu’un nouveau paquet était acheté.
Je me souviens des coups de règle en fer sur les doigts.
Je me souviens que Voltaire est l’anagramme de Arouet L(e) J(eune) en écrivant V au lieu de U et I au lieu de J.

Je me souviens des Compagnons de la Chanson.

Proposition d’écriture :

1) Ecrire ses « je me souviens » sans réfléchir, en mêlant tout ce qui compose la mémoire : souvenirs intimes, connaissances, éléments d’une mémoire collective (films, publicités…) etc.

2) Choisir l’un des souvenirs évoqués, en essayant de ressusciter les émotions, les impressions liées à ce souvenir, en explorer les petits détails, tout ce qui fait trace dans la mémoire. Faire, en un paragraphe de 10 à 15 lignes, une tentative d’épuisement de ce souvenir.

Deuxième partie :

Supports : Georges Perec, Les Choses, Une histoire des années soixante, Ed. Julliard (1965) / Annie Ernaux, Les Années, Ed.Gallimard (2008)

Les deux ouvrages ont en commun d’utiliser le récit à rebours de ses habitudes. L’histoire racontée est le fait du commun, du banal. Le récit y est anti-anecdotique, le Moi en paraît absent.

Chez Perec un couple modèle (au sens d’archétype) décrit par sa médiocre trajectoire commune les désirs et les frustrations, la grande errance et les échappées avortées d’une génération, dans un monde apparemment « consommable », mais diversement accessible. Annie Ernaux utilise la matière biographique pour explorer une époque, une « condition » ; l’itinéraire personnel permet d’ouvrir sur un « vécu » partageable et transposable à l’expérience des autres. Les photographies qu’elle décrit évoquent celles que l’on pourrait retrouver dans nos albums familiaux ou sur les étals des brocanteurs. Par l’écriture, elle opère la « transformation de ce qui appartient au vécu, au moi, en quelque chose existant tout à fait en dehors de ma personne […], quelque chose de compréhensible, au sens le plus fort de la préhension par les autres ». L’Ecriture comme un couteau, éditions Stock (2003)

Sur Les Années, lire la critique de Télérama.

Annie Ernaux, Les Années, extraits

Proposition d’écriture : Ecrire deux « temps », celui de l’enfance et celui de l’entrée dans l’âge adulte, de l’installation.  Donner sa vision de ce que fut chacun de ces deux temps, sa « mentalité » : les dominantes, les espoirs et les craintes, les objets du quotidien, les habitudes et les sujets de conversation…

Nos Ateliers d'écritures Récit

Comment jouer avec son Goncourt

Qu’on l’ait acheté par curiosité, habitude, ou idolâtrie, ou qu’on l’ait reçu d’un ami peu inspiré que le bandeau aura rassuré, on se retrouve parfois embarrassé d’un Goncourt. La première attitude consiste à le lire, ou à tenter de le faire. Or, une fois le livre lu, ou définitivement relégué à une place désavantageuse dans la pile sur la table de chevet – son bandeau rouge recyclé en marque-page désignant le point d’arrêt d’une lecture qui ne sera jamais reprise – que faire alors de son Goncourt ?

Il ne s’agit pas ici de proposer des moyens courants ou plus inhabituels de s’en défaire, bien que l’élaboration d’une telle liste puisse constituer une consigne d’atelier amusante, mais de faire de son Goncourt un objet de re-création. En réaction au prix Goncourt, et aux louanges nécessaires et souvent méritées qui accompagnent la distinction suprême de l’écrivain français, l’atelier d’écriture peut être le lieu d’une saine désacralisation. Considérer l’auteur, l’objet, en tirer des moyens pour l’écriture. Ecrire autour tout d’abord, puis écrire avec. Les moins convaincus pourront y découper des passages, non sans une certaine sauvagerie revancharde, pour nourrir leurs centons.

Le cas Houellebecq a fait l’objet de violentes controverses, suscité des démonstrations d’agressivité étonnantes. Le personnage ne recherche pas la sympathie des foules, l’œuvre est d’une froide évidence, et le monde qui s’y regarde n’a pas toujours envie de s’y reconnaître.

Toutefois, les participants n’auront pas à se pencher sur ce Houellebecq réel ou supposé, tel qu’il nous est servi dans les divers médias, mais ils auront le loisir de se fabriquer un Houellebecq à leur guise. Pour cela, ils disposeront d’un canevas pour narrer l’événement (la consécration de l’artiste) comme une page parmi d’autres du journal des Goncourt.

Partie 1 : Portrait du vainqueur

Support : extraits (coupés) du Journal des Goncourt

« 7 novembre 1856

……………… venait d’être …………………………; paie ………………et champagne. Toujours ………………: des façons ………………, une ……………… béate, le ton ……………… du ……………… siècle.

Il a voulu nous dire ……………….d’après………………  Il m’a dit que j’avais «………………………………».(…)

………………, ayant à mon bras le balancement d’une frégate, le pas lourd et ralenti, un ………………………………………sous un bras, de l’autre tenant ……………………………., un ………………qui ……………………………, poussant ………………de petits ………………, jouant comme d’une petite pratique de ………………. Il a dû revenir à ……………… par ………………… Grande admiration ………………, de ce qu’il appelle notre ………………!

16 Mars 1860

Et nous le reconnaissons aujourd’hui, il y a …………………………….et ………………. Il y a un fond de …………………. et de ………………………chez lui. On sent vaguement qu’il ……………………… un peu pour ………………………. Il a l’esprit ………………………comme ………….. Les choses ………………………n’ont pas l’air ………………………. Il est surtout sensible à la ………………………. Il y a ………………………dans sa conversation et elles sont présentées avec ………………………. Il a l’esprit, comme …………., ………………………. Les histoires, les figures qu’il esquisse ont ……………………….…………………. ….  Il porte …………. …………. ………………………………………………. Il lui est resté, ………….  ………………………, de ces ………………………dont on pourrait dire, ……………………… : « C’est ……………………… ! »
Hier il a été voir ………………………; aujourd’hui, il ………………………………….. Il a lu ………………………, …………………………………pas un mot dans son roman : « Mais je suis un homme qui a besoin de …………. ». Il est ……………, …………. et ………………………… en toutes choses, dans la plaisanterie, dans la charge, dans l’imitation des imitations de ………………………, qu’il travaille rudement en ce moment. Le …………………manque à ses ………………………. » Extrait « caviardé »du journal des Goncourt

Proposition d’écriture : Faire le portrait imaginaire de votre Houellebecq, non pas tel que dépeint, encensé ou assassiné par les articles de presse, mais tel qu’il vous plaît de le représenter. Utiliser le canevas proposé, combler les trous (sans tenir compte de la longueur des pointillés) afin de faire figurer ce personnage dans le journal des Goncourt.

Partie 2: Goncourt, chef d’oeuvre personnalisable

Jouer avec son Goncourt permet de se procurer un chef d’oeuvre personnalisé de bonne facture, et qui donnera entière satisfaction.  Le lecteur attentif réduira le chef-d’oeuvre à sa plus simple expression, soit une « recette » qui rendra compte, avec plus ou moins de bonne foi de sa part, des thèmes et motifs récurrents (manies et petites obsessions) qui font une oeuvre et un style. Je propose ma petite recette Houellebecq, les internautes peuvent bien entendu envoyer leur recette (laffabuloir@yahoo.fr)!

Pour préparer un échec total à valeur démonstrative : se saisir d’un personnage un peu mou et indécis, le doter d’une réussite sociale issue de peu d’efforts, qui n’apporte que découvertes navrantes sur l’impitoyable ordre du monde, satisfactions fades et relations éphémères ; l’ensemble de ces diverses expériences décevantes se résolvant dans un désir profond de solitude. La décrépitude, l’isolement, avec pour seules douceurs, l’absence de souci matériel, la compagnie d’un chien et la tranquillité rurale. Cet itinéraire est agrémenté de digressions sur l’état du social : considérations sur l’économie, les mœurs, les tendances… Le récit est ancré dans le réel au moyen de références (marques, enseignes et même notices)et de la présence de personnages représentatifs du monde contemporain (célébrités).

Proposition d’écriture :

Ecrire son chef d’œuvre personnalisé à partir de petits morceaux de Houellebecq, et de ces quelques principes. Suivre la « recette » Houellebecq et proposer sa variante.

L’animateur de l’atelier d’écriture énoncera pendant le temps de l’écriture, les phrases et extraits à intégrer à leur récit, selon une fréquence régulière (3 ou 5 minutes).

Jed se réveilla en sursaut vers huit heures au matin du 25 décembre…

Le chauffeur de taxi était un imbécile malfaisant

Un homard mi-cuit avec sa purée d’ignames

Un hypermarché Casino, une station-service Shell demeuraient les deux seuls centres d’énergie perceptibles

Certains êtres humains, pendant la période la plus active de leur vie

Beibeder semblait plongé dans des pensées particulièrement sombres.

Il partit s’acheter un wrap saveurs de Provence et se servit un troisième verre de vin.

C’était un type qui aurait surjoué jusqu’à l’achat d’un pack de Volvic.

Il n’y a plus que des herbes agitées par le vent.

Extraits de La Carte et le territoire, Michel Houellebecq, Ed. Flammarion

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Conte avec trois fois rien

Le conte peut être à l’origine d’une série d’ateliers thématiques ou d’un atelier long, d’une journée par exemple.

Le conte est une structure simple : il s’agira tout d’abord de faire émerger les constantes ou « invariants » du conte traditionnel. On se reportera à Propp ou à d’autres auteurs pour en définir les grandes lignes, ou plus simplement on en rappellera les codes au cours d’une discussion en groupe, en réponse à la question : Que trouve-t-on généralement dans un conte ?

L’animateur pourra organiser les informations sur un tableau en catégories (personnages, structure…) au fur et à mesure des échanges. Il est préférable de s’en tenir aux formes les plus connues des participants, et de réserver l’exploration des contes internationaux ou contemporains à un autre atelier.

Voir Morphologie du conte, Vladimir Propp, Ed. Seuil (coll. Points)

Mélanges

Faire naitre le conte d’un bric-à-brac que l’on peut scénariser en le présentant sous la forme d’une boîte, d’une enveloppe, d’un petit sac. Le plaisir de la trouvaille s’accompagne de la facilité/complexité d’assembler des éléments très disparates.

Exemple : Prendre une case de roman photo, un morceau du Monde, une carte postale surannée ou franchement kitsch, un article du guide du routard… et les « bases » du conte selon une source reconnue (Propp…), une recette personnelle de l’animateur/trice ou les éléments définis au cours d’une discussion avec le groupe.

Ecrire un conte bref, en utilisant autant que possible ces divers matériaux, et sur la base de cette  structure de conte.

Proposition de structure en quatre moments narratifs :

1) Une situation positive/ négative qui est bouleversée/ aggravée par un événement négatif.

2) Eloignement dans un lieu hostile : abandon, départ, quête…

3) Epreuve positive : intervention miraculeuse d’une personne, d’un objet ou phénomène magique.

4) Reconnaissance, aboutissement de la quête, libération, élévation.

Cocktail pour les durs à cuire :

Pour ceux qui apprécient la difficulté, un cocktail :

un narrateur obsessionnel (affligé d’une idée fixe envahissante)

un morceau d’un texte de grand auteur (de préférence dépourvu de toute ressource narrative, pas le moindre début d’histoire en apparence)

un lexique inattendu

Exemple : un extrait de Proust (le fameux « Longtemps je me suis couché de bonne heure… ») + lexique du sport ou du management + un narrateur précis, précis, vraiment précis.

Les internautes ayant essayé ce cocktail encore inédit peuvent envoyer le résultat à l’adresse suivante : laffabuloir@yahoo.fr

A titre d’illustration, à lire un conte réalisé avec : une narratrice féministe, un morceau de Perec, des emprunts à divers lexiques (en sociologie, management, etc.) …et quelques souvenirs de mon passé de bibliothécaire en section jeunesse. A ces contraintes s’est ajoutée celle de la métalepse narrative, définie dans ce cas comme la transgression des limites conventionnelles du récit, notamment par l’intrusion du narrateur dans l’histoire.

Microsoft Word – Le Prince fatigué

Nos Ateliers d'écritures Récit

Les Autres, ces objets singuliers (2)

Première partie :

Support : Dans le bus, David Dumortier

« Qui n’a jamais eu dans le bus, quelqu’un en face de soi ? A priori, personne. Vous vous asseyez et un homme rêve dans le défilé des platanes. Il est monté deux stations avant vous, ou peut-être est-il là depuis toujours. Il existe pourtant des gens qui s’arrangent pour ne jamais se trouver en face de quelqu’un.

Ils sont debout, ils vous jurent qu’ils ne sont pas fatigués, que de toute façon ils descendent à la prochaine station, ou alors ils se placent devant et semblent assister le chauffeur dans sa conduite. Ce sont des gens qui ne peuvent pas vivre en forêt. Ils veulent être seuls et occupent le passage comme un peu de végétation au milieu des chemins. »

Dans le bus, extrait du recueil Ces gens qui sont des arbres, David Dumortier (Ed. Cheyne)

Ces poèmes en prose de David Dumortier sont à rechercher sur les rayonnages en section jeunesse, mais leur sensibilité, leur perspicacité démontrent une nouvelle fois l’audace (et le bon goût) des éditions Cheyne qui consiste à oser proposer autre chose aux enfants et adolescents que des textes lénifiants et inoffensifs qui parlent de cour d’école et de papillons !

Proposition d’écriture :

Trouver une comparaison ou une métaphore végétale ou animale qui vous semble caractériser un groupe, une catégorie d’individus, tels qu’ils apparaissent dans la rue, dans la quotidienneté et dont le comportement apparaît singulier, frappant.  A partir de cette comparaison ou métaphore, décrire cette catégorie et placer la comparaison en clôture de texte.

Microsoft Word – Le suricate

Deuxième partie :

Support : extraits de Bartleby le scribe, Herman Melville, Gallimard (1996)

Choisir quatre courts extraits mettant en évidence quatre moments de l’intrigue (ouverture du récit ; événement fondateur ; soupçons du narrateur, stratégies du narrateur).

Propositions d’écriture :

1) Inventer un personnage singulier, mais dont la « folie » ne soit ni violente, ni véritablement dérangeante. Construire sa marginalité supposée à partir des 3 éléments suivants :

–          Une manie alimentaire, vestimentaire :……………………………

–          Un leitmotiv :…………………………………………

–          Une attitude (corporelle) imperturbable : ……………………………………..

Faire apparaitre cette singularité en reprenant les étapes suivantes : « amener le récit » (1) ; événement fondateur (2) ; soupçons (3), réaction (4)

2) Trouver une raison à la douce déraison de Bartleby. Poursuivre le récit à partir de la phrase suivante :

« Je ne sais si je dois toujours divulguer certaine petite rumeur qui vint à mes oreilles quelques mois après le décès du scribe(…) La rumeur voulait que Bartleby… »

Nos Ateliers d'écritures Récit

Les Autres, ces objets singuliers… (1)

Deux ateliers thématiques autour de la question de l’altérité, du rapport à l’autre en tant qu’objet de notre regard, appréhendé à travers le philtre de nos perceptions, chosifié par nos représentations, catégorisé au gré de nos expériences et de notre éducation. L’autre, ou cette éternelle distance de l’incompréhension qui nous porte à la bêtise (de nos idées reçues) et nous fait endurer le tourment de la solitude.

Dans ces ateliers, il s’agira de mettre en évidence ces philtres et leurs mécanismes, et parfois leur violence ou leur absurdité. Au niveau de l’écriture, la recherche portera sur la parole anonyme de la foule, ces mots de n’importe quelle voix qu’il faut écrire pour vraiment les entendre, et sur la subjectivité montrée comme une sorte de variateur d’intensité, susceptible de dérèglements, produisant des décalages et des mises à distance ironiques.

Première partie :

Supports  : citation de  Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

Le Dictionnaire des Idées reçues de Gustave Flaubert

« Autrui me transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on. En réalité le regard d’autrui ne me transforme en objet que si l’un et l’autre nous nous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous faisons l’un et l’autre regard inhumain, si chacun sent ses actions non pas reprises et comprises, mais observées comme celles d’un insecte. »

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

« Médecine : S’en moquer quand on se porte bien.

Mélancolie : Signe d’élévation d’esprit et de distinction de cœur. (…)

Méridionaux : Tous poètes.

Message : Plus noble que « lettre ».

Métallurgie : Très chic.

Métamorphose : Rire du temps où on y croyait. Ovide en est l’inventeur.

Métaphore : Mauvais effet dans le style.

Métaphysique : On ne sait pas ce que c’est mais en rire. (…)

Moulin : Fait bien dans un paysage.

Moustache : Donne l’air martial.

Moustique : Plus dangereux que n’importe quelle bête féroce.

Moutarde : Il n’y a de bonne moutarde qu’à Dijon.

Ruine l’estomac. »

Le Dictionnaire des Idées reçues, in  Bouvard et Pécuchet, Gustave Flaubert

Proposition d’écriture :

Ecrire une liste de « gens » composée d’une dizaine de noms communs et de noms propres (ex : le policier municipal ; Mireille Mathieu…) ou plus selon l’inspiration, et les définir au moyen d’une ou plusieurs notations brèves sur le modèle du dictionnaire, exposant ce que le commun sait ou dit de cette personnalité ou de ce groupe de personnes.

Ex : « Mireille Mathieu : Toujours la même coupe de cheveux. Une star au Japon. »

Microsoft Word – Idées reçues sur quelques gens

Deuxième partie :

Support : Mes Amis, Emmanuel Bove, chapitre « Henri Billard » Ed. Nota Bene (2005)

Mes Amis est un roman drôle et cruel dont le protagoniste central se lamente sur sa misère financière et affective. Des rencontres éphémères, des échanges dérisoires, constituent les piteuses relations sociales que le titre rassemble dans l’expression trompeuse « Mes Amis » et qui tournent court quand elles ne tournent pas mal. L’humour naît de la perception décalée ou disproportionnée que le personnage a des pauvres événements de sa triste vie, sans dissiper complètement le malaise.

Dans Mes Amis, l’altérité est appréhendée de manière ambivalente : désir et méfiance, empathie et égoïsme, dépendance et tentatives manipulatoires.

Montrant tour à tour une hyper-vigilance dans l’analyse des comportements d’autrui et un manque total de discernement, ses précautions sont anéanties par sa maladresse, ou une naïveté qui confine parfois à la folie. Bâton (c’est son nom) se donne pour se faire battre !

Extrait : « J’ai connu Henri Billard dans un rassemblement devant une pharmacie (…) sentimental et indolent ».

Placer au centre d’un attroupement un être, à plaindre ou à envier, laisser agir sur lui les regards un instant et énoncer les commentaires  des spectateurs en désignant chaque intervenant par un trait distinctif, une attitude, un geste.

Support : Mes Amis, Emmanuel Bove Ed. Nota Bene (2005)

Extrait : « J’allais droit devant moi, une cigarette encore sèche aux lèvres (…) Là au moins, personne ne s’occupait de moi. »

Imaginer les circonstances d’un non-événement. L’observer du point de vue d’un personnage autocentré, particulièrement vaniteux… ou tout simplement amoureux ou malheureux ! Considérer chaque détail à travers ce prisme grossissant et déformant. Le personnage pourra passer d’un état à l’autre au gré des sentences absurdes de son jugement décalé.

Nos Ateliers d'écritures Récit

Avec des si…

Avec des si…

L’hypothèse appartient plutôt à la boîte à outil argumentative, le récit en faisant parfois usage dans de longs monologues intérieurs angoissés. Cependant l’hypothèse peut constituer une précieuse ressource pour ponctuer une description de digressions fantaisistes, ou apporter une profondeur de réflexion quand elle s’attache à décrypter un petit détail d’une scène en apparence banale.

Voici quelques propositions pour un atelier de 2h30 environ.

Première partie

1) Chercher dans les ressources d’images d’internet la photographie d’un joyeux capharnaüm (avec le mot-clé « désordre ») en veillant à respecter les droits d’auteur pour la reproduction ces images.

2) Créer au moins cinq listes de six mots à partir des propositions des participants de l’atelier (ou proposer des listes toutes faites, en recherchant l’originalité)

Exemples :

Notaire  marcassin foulard  trapèze cantal nonagénaire

Bêler  occire pancarte médiéval contentieux absinthe

Vétérinaire stupeur quolibet mea-culpa strabisme électeur

Démagogue goéland moustache édredon caqueter caresse

Minute plastique désastre détritus cadeau belette…

Proposition :

Il s’agit d’apporter des explications supposées à ce grand désordre en utilisant les mots des listes. Choisir une nouvelle liste de mots pour chaque début de phrase. Essayer d’en placer le plus grand nombre dans la formulation d’une hypothèse dans le respect d’une cohérence (différente de la vraisemblance !) grammaticale et logique. L’hypothèse doit s’avérer possible sans être pour autant crédible.

1) On peut supposer que…..

2) A moins que….

3) Ou bien alors …

4) Bien entendu on peut également envisager…

5) Mais il apparait plus probable que…

Deuxième partie

Support : Extrait de Palafox, Eric Chevillard, Editions de Minuit (2003), p 7-9, du début à « Chancelade raffolait littéralement, ça tombait bien, des œufs frais. »

Dans ce petit roman à la fois virtuose et réjouissant d’Eric Chevillard, le traitement des personnages et des situations emmène le lecteur vers une fantaisie remarquablement maîtrisée. Dans l’extrait cité, des situations impensables – mais néanmoins supposées – explorent les possibilités insoupçonnées  d’un dispositif socialement convenable : une famille attablée.

Proposition :

A partie d’une situation réelle ou réaliste (que l’on « posera » en deux ou trois phrases maximum) introduire la supposition comme un élément subversif, de façon à suggérer des événements hautement improbables. Contaminer peu à peu le récit, pour apporter une tonalité légère voire fantaisiste.

Propositions de situations : voyage officiel d’un chef d’Etat, soirée télé, réception d’une lettre recommandée…

Troisième partie :

Support : « La Fourchette » nouvelle tirée du recueil de Quim Monzó, Mille crétins, éd. Jacqueline Chambon

Dans cette nouvelle, un observateur surprend dans un restaurant le geste d’une jeune femme qui remplace sa propre fourchette, tombée sur le sol, par celle de son mari, à son insu bien sûr. L’observateur s’interroge sur la signification de ce geste : indifférence du mari à l’égard de l’hygiène? petite vengeance ?

Proposition : Choisir parmi les situations suivantes (ou en inventer une) un décor qui semble propice à la révélation, par un petit événement, un geste, une parole ou un regard, d’une vérité cachée. Le point de vue est externe, l’observateur-narrateur n’a pas accès à cette vérité cachée à propos de laquelle il produit des hypothèses.

Par la fenêtre d’une salle de classe…

Un dimanche en famille

Sur la plage

A l’accueil d’une banque, ce que l’on aperçoit derrière la vitre…

Nos Ateliers d'écritures Poésie Récit

Deux livres achetés le même jour

Atelier récit/ poésie

Prendre deux livres achetés le même jour…

Cet atelier utilise les ressources du hasard, et peut s’adapter en fonction des titres dont chacun pourra disposer. Le principe est de choisir deux livres que l’on ne connaît pas ou que l’on connaît de « réputation », en ayant soin de conserver ses a priori… Il s’agit d’une rencontre en plusieurs étapes avec deux livres, deux univers, deux écritures différentes. Pour que l’atelier fonctionne et ouvre des possibilités, il faut veiller à ce que ces univers soient très différents l’un de l’autre : Le Petit Nicolas et Extension du domaine de la lutte de Houellebecq , Soie de Barico et En Ménage de Huysmans…

Avant de choisir les ouvrages, on feuillettera donc consciencieusement les livres.

Supports :

Le Livre des chroniques, Antonio Lobo  Antunes (Christian Bourgois éditeur, collection Points)

1)      « Mes dimanches »

2)      « Les Petits pauvres »

La Vie dans les plis, Henri Michaux (Ed Gallimard, Nrf, collection Poésie)

1) « Situations »

2)      « Les Inachevés/ L’Atelier de démolition »

1)      Face aux étagères chargées des librairies, nos connaissances littéraires, le souvenir « bribesque »d’une critique, les promesses de la rumeur, un titre attirant ou des impressions guident nos choix, parfois un peu hasardeux.

Ecrire le double portrait imaginaire des deux livres achetés le même jour. Imaginer l’état d’esprit de l’acheteur, le moment, le contenu suggéré par les couvertures, les auteurs, les titres… Le texte peut s’écrire à la première personne, comme un monologue intérieur, ou bien s’adresser à l’objet lui-même, à la deuxième personne.

Microsoft Word – Impulsion d’achat

2)      Confronter deux univers : de l’un à l’autre

Faire du Lobo Antunes avec du Michaux… Bien qu’une telle action puisse paraître criminelle aux passionnés de la poésie de Michaux, se saisir de la densité puissante et évocatrice de Situations, pour l’attirer du côté de l’imaginaire de Lobo Antunes, en nourrissant le récit de détails marqués par le quotidien et la modernité, en évoluant progressivement vers le délire.

Microsoft Word – d’un univers à l’autre

3)      Découvrir d’autres aspects de l’œuvre

Faire du récit « Les Petits pauvres » un texte poétique, soit

–          un poème en vers libres sur le modèle des « Inachevés »

–          un poème en prose sur le modèle de « L’Atelier de démolition »

Microsoft Word – Poème Une vie dans un pli