Qu’on l’ait acheté par curiosité, habitude, ou idolâtrie, ou qu’on l’ait reçu d’un ami peu inspiré que le bandeau aura rassuré, on se retrouve parfois embarrassé d’un Goncourt. La première attitude consiste à le lire, ou à tenter de le faire. Or, une fois le livre lu, ou définitivement relégué à une place désavantageuse dans la pile sur la table de chevet – son bandeau rouge recyclé en marque-page désignant le point d’arrêt d’une lecture qui ne sera jamais reprise – que faire alors de son Goncourt ?
Il ne s’agit pas ici de proposer des moyens courants ou plus inhabituels de s’en défaire, bien que l’élaboration d’une telle liste puisse constituer une consigne d’atelier amusante, mais de faire de son Goncourt un objet de re-création. En réaction au prix Goncourt, et aux louanges nécessaires et souvent méritées qui accompagnent la distinction suprême de l’écrivain français, l’atelier d’écriture peut être le lieu d’une saine désacralisation. Considérer l’auteur, l’objet, en tirer des moyens pour l’écriture. Ecrire autour tout d’abord, puis écrire avec. Les moins convaincus pourront y découper des passages, non sans une certaine sauvagerie revancharde, pour nourrir leurs centons.
Le cas Houellebecq a fait l’objet de violentes controverses, suscité des démonstrations d’agressivité étonnantes. Le personnage ne recherche pas la sympathie des foules, l’œuvre est d’une froide évidence, et le monde qui s’y regarde n’a pas toujours envie de s’y reconnaître.
Toutefois, les participants n’auront pas à se pencher sur ce Houellebecq réel ou supposé, tel qu’il nous est servi dans les divers médias, mais ils auront le loisir de se fabriquer un Houellebecq à leur guise. Pour cela, ils disposeront d’un canevas pour narrer l’événement (la consécration de l’artiste) comme une page parmi d’autres du journal des Goncourt.
Partie 1 : Portrait du vainqueur
Support : extraits (coupés) du Journal des Goncourt
« 7 novembre 1856
……………… venait d’être …………………………; paie ………………et champagne. Toujours ………………: des façons ………………, une ……………… béate, le ton ……………… du ……………… siècle.
Il a voulu nous dire ……………….d’après……………… Il m’a dit que j’avais «………………………………».(…)
………………, ayant à mon bras le balancement d’une frégate, le pas lourd et ralenti, un ………………………………………sous un bras, de l’autre tenant ……………………………., un ………………qui ……………………………, poussant ………………de petits ………………, jouant comme d’une petite pratique de ………………. Il a dû revenir à ……………… par ………………… Grande admiration ………………, de ce qu’il appelle notre ………………!
16 Mars 1860
Et nous le reconnaissons aujourd’hui, il y a …………………………….et ………………. Il y a un fond de …………………. et de ………………………chez lui. On sent vaguement qu’il ……………………… un peu pour ………………………. Il a l’esprit ………………………comme ………….. Les choses ………………………n’ont pas l’air ………………………. Il est surtout sensible à la ………………………. Il y a ………………………dans sa conversation et elles sont présentées avec ………………………. Il a l’esprit, comme …………., ………………………. Les histoires, les figures qu’il esquisse ont ……………………….…………………. …. Il porte …………. …………. ………………………………………………. Il lui est resté, …………. ………………………, de ces ………………………dont on pourrait dire, ……………………… : « C’est ……………………… ! »
Hier il a été voir ………………………; aujourd’hui, il ………………………………….. Il a lu ………………………, …………………………………pas un mot dans son roman : « Mais je suis un homme qui a besoin de …………. ». Il est ……………, …………. et ………………………… en toutes choses, dans la plaisanterie, dans la charge, dans l’imitation des imitations de ………………………, qu’il travaille rudement en ce moment. Le …………………manque à ses ………………………. » Extrait « caviardé »du journal des Goncourt
Proposition d’écriture : Faire le portrait imaginaire de votre Houellebecq, non pas tel que dépeint, encensé ou assassiné par les articles de presse, mais tel qu’il vous plaît de le représenter. Utiliser le canevas proposé, combler les trous (sans tenir compte de la longueur des pointillés) afin de faire figurer ce personnage dans le journal des Goncourt.
Partie 2: Goncourt, chef d’oeuvre personnalisable
Jouer avec son Goncourt permet de se procurer un chef d’oeuvre personnalisé de bonne facture, et qui donnera entière satisfaction. Le lecteur attentif réduira le chef-d’oeuvre à sa plus simple expression, soit une « recette » qui rendra compte, avec plus ou moins de bonne foi de sa part, des thèmes et motifs récurrents (manies et petites obsessions) qui font une oeuvre et un style. Je propose ma petite recette Houellebecq, les internautes peuvent bien entendu envoyer leur recette (laffabuloir@yahoo.fr)!
Pour préparer un échec total à valeur démonstrative : se saisir d’un personnage un peu mou et indécis, le doter d’une réussite sociale issue de peu d’efforts, qui n’apporte que découvertes navrantes sur l’impitoyable ordre du monde, satisfactions fades et relations éphémères ; l’ensemble de ces diverses expériences décevantes se résolvant dans un désir profond de solitude. La décrépitude, l’isolement, avec pour seules douceurs, l’absence de souci matériel, la compagnie d’un chien et la tranquillité rurale. Cet itinéraire est agrémenté de digressions sur l’état du social : considérations sur l’économie, les mœurs, les tendances… Le récit est ancré dans le réel au moyen de références (marques, enseignes et même notices)et de la présence de personnages représentatifs du monde contemporain (célébrités).
Proposition d’écriture :
Ecrire son chef d’œuvre personnalisé à partir de petits morceaux de Houellebecq, et de ces quelques principes. Suivre la « recette » Houellebecq et proposer sa variante.
L’animateur de l’atelier d’écriture énoncera pendant le temps de l’écriture, les phrases et extraits à intégrer à leur récit, selon une fréquence régulière (3 ou 5 minutes).
Jed se réveilla en sursaut vers huit heures au matin du 25 décembre…
Le chauffeur de taxi était un imbécile malfaisant
Un homard mi-cuit avec sa purée d’ignames
Un hypermarché Casino, une station-service Shell demeuraient les deux seuls centres d’énergie perceptibles
Certains êtres humains, pendant la période la plus active de leur vie
Beibeder semblait plongé dans des pensées particulièrement sombres.
Il partit s’acheter un wrap saveurs de Provence et se servit un troisième verre de vin.
C’était un type qui aurait surjoué jusqu’à l’achat d’un pack de Volvic.
Il n’y a plus que des herbes agitées par le vent.
Extraits de La Carte et le territoire, Michel Houellebecq, Ed. Flammarion