All for Joomla All for Webmasters
Browsing Tag

personnage

Nos Ateliers d'écritures Récit

Atelier d’écriture : l’enfance des héros

Les héros de roman les plus célèbres ont acquis une puissance évocatrice quasi mythique et appartiennent à ce fond commun de références qui permet les raccourcis de conversation et les comparaisons faciles. Rastignac ou Emma Bovary ont dépassé le statut de personnages pour accéder à la dimension de l’allégorie: ils « incarnent »(l’ambition, l’adultère, l’illusion amoureuse…).

Ils nous appartiennent, et nous pouvons jouer avec eux d’autant plus que nous les connaissons bien.

Cet extrait du délectable blog d’Eric Chevillard nous invite à combler les lacunes biographiques des héros de roman.

« Avant d’être la sœur de cœur de la femme de trente ans qui s’ennuie dans son couple et dans sa province, la petite Emma Bovary eût été l’amie de la fillette, partageant ses jeux et ses premières expériences dans des albums dessinés – Emma va à l’école ; Une semaine chez maman, une semaine chez papa –, puis celle de l’adolescente – Emma ne mange plus ; T’es trop beau, Lucas, etc. Nous pouvons en effet regretter que les plus fameux personnages de la littérature ne grandissent pas avec leurs lecteurs depuis le plus jeune âge. Ni ne vieillissent avec eux non plus, d’ailleurs – Emma aux Jardins d’Arcadie ; Emma ne se souvient plus de rien –, héros familiers, compagnons de toute une vie. »

Source: L’Autofictif

Proposition d’écriture : Écrire un récit à la première personne, transposant un des « moments » proposés ci-dessous, ou selon ses propres choix en puisant dans ses souvenirs de lecture.  Prendre soin de préserver tout au long du récit le caractère énigmatique de celui-ci, la chute dévoilant idéalement l’identité du personnage choisi.

Nourrir ce récit en s’appuyant sur les caractéristiques des personnages et leur univers, le genre et la tonalité du texte…

Exemples :

Le Petit Nicolas employé de bureau : Alceste a (encore) été renvoyé !

Frédéric, enfant, tombe amoureux d’une camarade de classe.

A quelques heures de la  fin du monde,  par Meursault.

Le Petit Nicolas, René Goscinny, Ed. Gallimard (coll. Folio)

« Et un peu plus tard, nous étions en classe quand le directeur est entré avec Alceste, qui faisait un gros sourire.

– Debout! a dit la maîtresse.

– Assis! a dit le directeur.

Et puis il nous a expliqué qu’il avait décidé d’accorder une nouvelle chance à Alceste. Il a dit qu’il le faisait en pensant aux parents de notre camarade, qui étaient tout tristes devant l’idée que leur enfant risquait de devenir un ignorant et de finir au bagne.

– Votre camarade a fait des excuses à M. Dubon, qui a eu la bonté de les accepter, a dit le directeur; j’espère que votre camarade sera reconnaissant envers cette indulgence et que, la leçon ayant porté et ayant servi d’avertissement, il saura racheter dans l’avenir, par sa conduite, la lourde faute qu’il a commise aujourd’hui. N’est-ce pas?

– Ben… oui, a répondu Alceste.

Le directeur l’a regardé, il a ouvert la bouche, il a fait un soupir et il est parti.

Nous, on était drôlement contents; on s’est tous mis à parler à la fois, mais la maîtresse a tapé sur sa table avec une règle et elle a dit:

– Assis, tout le monde. Alceste regagnez votre place et soyez sage. Clotaire, passez au tableau. »

L’Education sentimentale, Gustave Flaubert, Ed. Larousse (coll. folio classique)

« Ce fut comme une apparition :

Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites.
Une négresse, coiffée d’un foulard, se présenta, en tenant par la main une petite fille, déjà grande. L’enfant, dont les yeux roulaient des larmes, venait de s’éveiller. Elle la prit sur ses genoux.  » Mademoiselle n’était pas sage, quoiqu’elle eût sept ans bientôt ; sa mère ne l’aimerait plus ; on lui pardonnait trop ses caprices.  » Et Frédéric se réjouissait d’entendre ces choses, comme s’il eût fait une découverte, une acquisition. »

L’Etranger, Albert Camus, Ed. Gallimard (coll. Folio)

« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. »

Microsoft Word – Les héros grandissent

Nos Ateliers d'écritures Récit

Les Autres, ces objets singuliers… (1)

Deux ateliers thématiques autour de la question de l’altérité, du rapport à l’autre en tant qu’objet de notre regard, appréhendé à travers le philtre de nos perceptions, chosifié par nos représentations, catégorisé au gré de nos expériences et de notre éducation. L’autre, ou cette éternelle distance de l’incompréhension qui nous porte à la bêtise (de nos idées reçues) et nous fait endurer le tourment de la solitude.

Dans ces ateliers, il s’agira de mettre en évidence ces philtres et leurs mécanismes, et parfois leur violence ou leur absurdité. Au niveau de l’écriture, la recherche portera sur la parole anonyme de la foule, ces mots de n’importe quelle voix qu’il faut écrire pour vraiment les entendre, et sur la subjectivité montrée comme une sorte de variateur d’intensité, susceptible de dérèglements, produisant des décalages et des mises à distance ironiques.

Première partie :

Supports  : citation de  Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

Le Dictionnaire des Idées reçues de Gustave Flaubert

« Autrui me transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on. En réalité le regard d’autrui ne me transforme en objet que si l’un et l’autre nous nous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous faisons l’un et l’autre regard inhumain, si chacun sent ses actions non pas reprises et comprises, mais observées comme celles d’un insecte. »

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

« Médecine : S’en moquer quand on se porte bien.

Mélancolie : Signe d’élévation d’esprit et de distinction de cœur. (…)

Méridionaux : Tous poètes.

Message : Plus noble que « lettre ».

Métallurgie : Très chic.

Métamorphose : Rire du temps où on y croyait. Ovide en est l’inventeur.

Métaphore : Mauvais effet dans le style.

Métaphysique : On ne sait pas ce que c’est mais en rire. (…)

Moulin : Fait bien dans un paysage.

Moustache : Donne l’air martial.

Moustique : Plus dangereux que n’importe quelle bête féroce.

Moutarde : Il n’y a de bonne moutarde qu’à Dijon.

Ruine l’estomac. »

Le Dictionnaire des Idées reçues, in  Bouvard et Pécuchet, Gustave Flaubert

Proposition d’écriture :

Ecrire une liste de « gens » composée d’une dizaine de noms communs et de noms propres (ex : le policier municipal ; Mireille Mathieu…) ou plus selon l’inspiration, et les définir au moyen d’une ou plusieurs notations brèves sur le modèle du dictionnaire, exposant ce que le commun sait ou dit de cette personnalité ou de ce groupe de personnes.

Ex : « Mireille Mathieu : Toujours la même coupe de cheveux. Une star au Japon. »

Microsoft Word – Idées reçues sur quelques gens

Deuxième partie :

Support : Mes Amis, Emmanuel Bove, chapitre « Henri Billard » Ed. Nota Bene (2005)

Mes Amis est un roman drôle et cruel dont le protagoniste central se lamente sur sa misère financière et affective. Des rencontres éphémères, des échanges dérisoires, constituent les piteuses relations sociales que le titre rassemble dans l’expression trompeuse « Mes Amis » et qui tournent court quand elles ne tournent pas mal. L’humour naît de la perception décalée ou disproportionnée que le personnage a des pauvres événements de sa triste vie, sans dissiper complètement le malaise.

Dans Mes Amis, l’altérité est appréhendée de manière ambivalente : désir et méfiance, empathie et égoïsme, dépendance et tentatives manipulatoires.

Montrant tour à tour une hyper-vigilance dans l’analyse des comportements d’autrui et un manque total de discernement, ses précautions sont anéanties par sa maladresse, ou une naïveté qui confine parfois à la folie. Bâton (c’est son nom) se donne pour se faire battre !

Extrait : « J’ai connu Henri Billard dans un rassemblement devant une pharmacie (…) sentimental et indolent ».

Placer au centre d’un attroupement un être, à plaindre ou à envier, laisser agir sur lui les regards un instant et énoncer les commentaires  des spectateurs en désignant chaque intervenant par un trait distinctif, une attitude, un geste.

Support : Mes Amis, Emmanuel Bove Ed. Nota Bene (2005)

Extrait : « J’allais droit devant moi, une cigarette encore sèche aux lèvres (…) Là au moins, personne ne s’occupait de moi. »

Imaginer les circonstances d’un non-événement. L’observer du point de vue d’un personnage autocentré, particulièrement vaniteux… ou tout simplement amoureux ou malheureux ! Considérer chaque détail à travers ce prisme grossissant et déformant. Le personnage pourra passer d’un état à l’autre au gré des sentences absurdes de son jugement décalé.